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Galapiat
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13 novembre 2009

Devenir un homme?

001Curieux comme tout ce qui parait infranchissable la veille ne l’est plus le lendemain. Comment me démerder de cette avarie grave dans ce pays paumé sans aucun moyen de réparation? Comment continuer à partager ce que je vis avec mes enfants en étant itinérant et sans leur mère? Ce genre de questions brûlent sur le moment et trouvent leur réponse assez simplement ensuite. Certains se réfèreront à des proverbes «ce qui ne tue pas rend plus fort» ou à des concepts plus chiadés comme la résilience de Cyrulnik. Qu’importe. On croit mourir d’abord, on survit ensuite et on se découvre des ressources insoupçonnées enfin. Alors, on rattrape le temps perdu. L’aveugle ouvre le yeux, le sourd entend, chaque jour dure une semaine, le sommeil n’est plus un refuge mais une perte de temps. Tout devient si facile et si simple qu’on se demande comment on a pu se fixer des limites aussi médiocres avant ça. Même pas besoin de faire appel à des substances illicites ou nocives pour atteindre cet état. Votre corps les génère à l’état naturel, lorsqu’il a été violemment stimulé.

Quitter Palmeira prochainement est un crève-cœur mais c’est aussi une nécessité. De toutes façons, nous y 019__2_repasserons pour la sortie du pays avant le Sénégal vu que mon projet initial d’en sortir via Santiago est remis en cause par la dengue qui sévit dans les îles du sud. Autant je ne prête pas attention aux bruits de ponton aussi alarmistes qu’injustifiés, autant je sais que ce qui se passe là-bas n’est pas anodin. Ils tombent comme des mouches, mon modeste portuguais créole me permet de saisir sur la radio du aluger que c’est une urgence sanitaire nationale, les frenchies ont même envoyé un avion sanitaire pour enrayer le fléau et ceux qui savent ce que c’est m’expliquent qu’entre les premiers frissons et le coma avant le trou, il n’y a que 24h. Parfois téméraire, je ne tente pas ma chance et repasserai donc par Palmeira plutôt que par Santiago.

Dur de quitter Palmeira donc car comme le dit un slammer à la mode dont je ne me souviens plus du nom, ici, «c’est du lourd». L’ami Nikko, qui m’a rejoint il y a quelques jours de son grCanada glacial pour un mois est aussi tombé sous le charme. Il voulait initialement aller sur les spots de kite surf, dans les eaux claires et le voici qui prépare les lignes avec Grillon pour retourner une nouvelle fois à la pêche et tenter de ramener le thon de 100 kilos ou plus qui est devenu notre graal. La pêche au thon est la reine des pêches. On y investit 25 litres de mélange mais si on n’en ramène qu’un, c’est jack-pot. Mais ce n’est pas garanti, c’est ce qui fait la beauté de l’affaire. Il faut s’y donner à fond. Partir à 6h du mat’, pêcher les vifs pres de la côte, ça va vite, 10 mn tout au plus, puis tracer au large tant qu’ils sont vivaces et espérer le thon. Le thon est un vilain animal qui ne mérite finalement que d’être mangé: Il bouffe des bonites, ses cousins donc ainsi que ses enfants. Dans le règne animal, il me semble que ce genre de comportement est assez rare. C’est la guerre, certes, mais rares sont les espèces qui bouffent cousins ou enfants. Si le vif, ne fonctionne pas, il faut chercher les dauphins. Les dauphins mangent les maqueraux et chient en même temps. Les thons sont toujours dans leur sillage et se nourrissent de leur déjections. On peut alors tenter de les attraper avec des morceaux sanguinolents de poisson mort. Et si ça ne marche toujours pas, ne reste plus qu’à se poser au corps mort, moteur arrêté, en jetant de temps en temps des morceaux de vifs morts qui attireront peut-être des thons attardés vers midi. C’est la troisième phase de la pêche et la plus désespérée. Et puis on rentre en silence, bredouille souvent, comblé sinon, fatigué toujours. On range, on va à la douche des pêcheurs se débarrasser de l’odeur tenace de poisson en se disant, philosophe, que la mer n’a pas voulu. Boa Soerte, demain peut-être.

Voilà l’économie de la pêche ici qui, au-delà de la technique, tient du casino. Ceux qui y gagnent à coup sûr sont bien005__2_ entendu les négociants qui viennent choisir les prises au quai vers 13h. J’avoue que ça m’inspire d’autant que si je prolonge la ballade sans durée définie, il faudra quand même penser à remplir la caisse de bord en chemin, surtout avec un canot bien trop grand et couteux pour moi seul. Alors, il y a là une vraie opportunité. A mon sens, ces thons rouges de première classe que l’on achète au quai pour un prix dérisoire et qui se vendent ailleurs comme de l’or en barre me donnent des idées. Simplissime. Un partenaire en France, au brésil ou au japon qui s’assure du prix de vente sur le marché et des normes sanitaires, je lui envoie en test deux beaux specimens dans un bac à glace avec un billet d’avion en first class et, tous frais defalqués, en faisant 50/50, ça peut bien le faire. Moins prestigieux qu’un job chez McKinsey&Co ou LVMH mais pas nécessairement moins rémunérateur et pas trop épuisant. Quelques données à me préciser pour les candidats partenaires côté vente: le prix au kilo, les normes sanitaires et les emmerdes de douane. Je ne plaisante pas. C’est tout à fait sérieux, pas compliqué, à bon entendeur, regardez de votre côté et écrivez-moi. Parfois c’est tellement simple de se faire un peu d’argent de poche qu’on en oublie de regarder.

016__2_Désolé pour cet apparté mercantile mais le rêve et la bourlingue ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche ou alors, ça ne dure pas. Beaucoup ont oublié ce paramètre et se retrouvent coincés ici ou ailleurs. Trop rêveurs, pas assez pragmatiques. Le vrai rêve nécessite des moyens, de la démerde et une planification sans faille. Il n’y a que dans le jardin d’Eden où les fruits tombent des arbres quand la faim se fait sentir. La réalité est plus rude mais plus intéressante aussi. Le rêve se paye très cher et cash. On peut comme moi y perdre sa famille, ses certitudes, sa naïveté mais je crois quand même que ça en vaut la peine. Une façon comme une autre de tenter de devenir un homme au sens de Kipling dans son poème à relire chaque jour, le seul qui vaille d’ailleurs: Si

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Commentaires
C
Je t'avais quitté en famille, je te retrouve en solitaire. Je te lis et je fredonne cette vieille chanson de Gerard Manset :<br /> <br /> "Il voyage en solitaire<br /> Et nul ne l'oblige à se taire.<br /> Il chante la terre.<br /> Il chante la terre<br /> <br /> Et c'est une vie sans mystère<br /> Qui se passe de commentaires.<br /> Pendant des journées entières,<br /> Il chante la terre.<br /> <br /> Mais il est seul.<br /> Un jour,<br /> L'amour<br /> L'a quitté, s'en est allé<br /> Faire un tour de l'autre côté<br /> D'une ville où y'avait pas de place<br /> Pour se garer.<br /> <br /> Il voyage en solitaire<br /> Et nul ne l'oblige à se taire.<br /> Il sait ce qu'il a à faire.<br /> Il chante la terre.<br /> <br /> Il reste le seul volontaire<br /> Et, puisqu'il n'a plus rien à faire,<br /> Plus fort qu'un armée entière,<br /> Il chante la terre<br /> <br /> Mais il est seul.<br /> Un jour,<br /> L'amour<br /> L'a quitté, s'en est allé<br /> Faire un tour de l'autre côté<br /> D'une ville où y'avait pas de place<br /> Pour se garer<br /> Et voilà le miracle en somme,<br /> C'est lorsque sa chanson est bonne,<br /> Car c'est pour la joie qu'elle lui donne<br /> Qu'il chante la terre."<br /> <br /> Bon courage !
M
Salut Tanguy,<br /> <br /> Cela fait bien longtemps que je souhaite t'écrire. Surement pas pudeur et humilité face à une situation que je n'ai pas vécu, j'ai repoussé cet instant.<br /> <br /> A travers tes récits, magiques, je revis indirectement mon voyage de 1999/2000.<br /> <br /> Les paysages, les rencontres, l'atmosphère que tu décris font revivre en moi ce voyage initiatique ou l'on part pour mieux se retrouver.<br /> <br /> D'ici deux à trois semaines, tu traverseras l'Atlantique, une formalités pour toi qui l'a fait d'Ouest en Est.<br /> <br /> Si tu passe à Dakar, sache que j'ai quelques amis là bas qui pourrait t'aider ou te faire gagner un peu de temps. Car comme pour la pluspart des capital, Dakar n'est qu'un lieu de ravitaillement ou un lieu de perdition selon tes humeurs.<br /> <br /> Je te conseille donc une fois le plein d'eau de gazoil et de vivres réalisé, de descendre dans le Siné Saloum. Endroit magique ou en fonction de ton tirant d'eau, tu pourras remonter le fleuve jusq'au petits villages traditionnels et faire d'autres rencontres magiques. Méfie toi tout de même des Sénégalais, rare sont ceux complétement désintéressés. Les disparités sont tellement importantes.<br /> <br /> Puis du Sine Saloum nous avions piqué en droite ligne sur Salvador de Bahia... La baie de touts les saints comme tu le sais avec ton créole portugais nouvellement acquis.<br /> <br /> Comme tu le sais aussi, il y a bien d'autres solutions. Mais l'arrivée aprés deux à trois semaines de navigation dans cette baie est un moment magique. Le port de plaisance au pied de la vieille ville est acceuillant et parfait pour une halte de quelques jours. Car là contrairement à Dakar, la vieille ville auxquelle tu accéde par un ascenseur, est magnifique.<br /> <br /> Et puis quoi de plus fort que de passer le jour de l'an au Brésil, à Salvador des Bahia... Si tu as aimé le côté festif et la spontanéité du Cap Vert, tu ne seras pas déçu par les habitants de Salvador de Bahia. Passer de l'Afrique, puis du Cap Vert au Brésil c'est un peu revivre l'histoire pas forcément glorieuse, mais tellemenent riche et intense. Je dois te laisser.<br /> <br /> A+<br /> <br /> Matt.
G
Il semblerait que le commerce de thon rouge fasse lobjet d'ine demande d'interdiction par l'Europe. Voir wikipedia. D'un autre cote j'ai Lu qu'un thon rouge de 128 kg s'est vendu 75000 $ ou € au japon... C'est mieux que bien!!
N
Je te remets la lettre de kipling à son fils, on dirait que tu l'as un peu oubliée ou mise à ta sauce... ;-)<br /> <br /> <br /> Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie<br /> Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,<br /> Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties<br /> Sans un geste et sans un soupir,<br /> Si tu peux être amant sans être fou d’amour ;<br /> Si tu peux être fort sans cesser d’être tendre<br /> Et , te sentant haï, sans haïr à ton tour,<br /> Pourtant lutter et te défendre ;<br /> <br /> Si tu peux supporter d’entendre tes paroles<br /> Travesties par des gueux pour exciter des sots,<br /> Et d’entendre mentir sur toi leurs bouches folles,<br /> Sans mentir toi-même d’un mot ;<br /> Si tu peux rester digne en étant populaire,<br /> Si tu peux rester peuple en conseillant les Rois<br /> Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,<br /> Sans qu’aucun d’eux soit tout pour toi ;<br /> <br /> Si tu sais méditer, observer et connaître,<br /> Sans jamais devenir sceptique ou destructeur<br /> Rêver, sans laisser ton rêve être ton maître,<br /> Penser, sans n’être qu’un penseur ;<br /> Si tu peux être dur sans jamais être en rage,<br /> Si tu peux être brave et jamais imprudent,<br /> Si tu peux être bon, si tu sais être sage,<br /> Sans être moral ni pédant ;<br /> <br /> Si tu peux rencontrer triomphe après défaite<br /> Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,<br /> Si tu peux conserver ton courage et ta tête<br /> Quand tous les autres les perdront ;<br /> Alors les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire<br /> Seront à tout jamais tes esclaves soumis<br /> Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,<br /> <br /> Tu seras un Homme, mon fils.<br /> <br /> Rudyard KIPLING
M
On dirait que ton voyage entre dans une nouvelle phase, qu'il gagne en densité et devient un vrai voyage au sens de Proust ("Le seul, le vrai, l’unique voyage, c’est de changer de regard").<br /> J'ai compris, demain je quitte mon thérapeute, et je prends la mer...
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