Galapiat

02 mai 2012

Galapiat repart pour de nouvelles aventures

nouanniGalapiat est désormais vendu. 

Bonne chance à Jann qui a pour projet l'Australie d'ici 3 ans

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19 août 2011

Epilogue : Açores - Hyères, terminus

Atterissage en fin de journée du 28/07 aux açores avec GG pour ce dernier segment vers Hyères, nous larguons les amarres le lendemain midi, une fois les courses faites.P1030080

Sur les traces exactes de mon trajet depuis Panama il y a trois ans, les conditions sont assez comparables. Ce millier de milles vers le détroit est une formalité, presque de la routine sans événement notable. Pas de moteur ou presque à part le premier jour pour se dégager des îles et de l'anticyclone puis du travers light medium autour d'une dizaine de noeuds en général sur une mer calme. La carène est toujours propre malgré plus d'un mois sans bouger, le bateau glisse. Quelques réglages de temps à autre, une veille distraite sur l'océan désert, bouquiner. On est peu sollicité et on se sent presque plus passager que navigateur actif. Ne manque que du personnel pour nous servir et l'illusion serait parfaite. Le paysage marin est sans relief, identique chaque jour: couverture nuageuse molle et peu active sans grain qui se dégage dans la journée, mer vide de toute vie aquatique. Pas de dauphins, ni baleine, ni poisson volant, P1030116ni même scène de chasse ou volatiles marins. Dans ces conditions si curieusement uniformes, les jours se succèdent, indifférenciés ou presque, presque identiques, dernière respiration autarcique hors du monde avant de devoir s'y frotter à nouveau.

A l'approche du continent, vers Cabo Sao Vicente, la navigation s'anime un peu sous les alizés portuguais toujours plus soutenus dans ces parages. Un peu plus de 20 noeuds en fin de journée, Galapiat accélère et aligne 160 milles pour ce dernier jour en atlantique. GG et moi prenons le temps de contempler plus que de coutume ce dernier coucher de soleil atlantique, le plus beau d'ailleurs depuis les Açores. Alignés sur le rail qui converge vers le détroit, un peu plus d'attention est désormais nécessaire car une dizaine de navires sont en visuel à tout instant dans un axe est-ouest. On tient plus ou moins sagement notre file, tel l'automobiliste moyen qui participe au chassé croisé estival sur l'autoroute des vacances .

P1030105Le timing est idéal car nous entrons dans le détroit en fin de matinée du huitième jour, le 6 Août. Sans être un soucis, le négocier de nuit priverait surtout du grand spectacle qui s'y produit en continu. Aujourd'hui, les bouquins restent fermés et on profite de l'animation.

Détroit de Gibraltar, troisième.

Si il est bien un lieu symbolique autour duquel ce voyage s'est articulé, c'est bien le détroit de Gibraltar. A chaque passage, mes émotions ont tour à tour exploré les cîmes les plus élevées et les abimes les plus sombres.

Gibraltar 2008 : Sur un Galapiat dans son jus et découvert sur le tas, au terme de 4000 milles d'une longue transat épique et initiatique, Jérôme et moi quittions l'Atlantique, de l'air et des images plein la tête. Encore quelques jours de méditérannée et je retrouvais ma famille avec la perspective de repartir ensemble l'année suivante. Je ne pouvais être plus heureux et excité à l'idée du prochain départ.

Gibraltar 2009 : Après 4 mois de Méditerranée avec femme et enfants, nos marques trouvées, l'Atlantique et au moins deux années devant nous au bout de l'étrave, tout prenait enfin sa place. Quelques dizaines de milles et un aveu sordide plus tard mettaient un termeP1030144 au mirage. Arrivés à Tanger, j'aurais tout donné pour un tour de machine à remonter le temps: revenir 18 mois plus tôt, réaliser alors que ma vie de couple n'était déjà qu'un tas de boue, y mettre fin et annuler d'urgence mon mariage prévu quelques mois plus tard. J'étais démoli. Elle, relax, estimait juste froidement les évolutions possibles de la crise.... Vie à terre soldée, les enfants avec qui je ne pouvais raisonnablement pas naviguer seul sur de longues distances, ce voyage auquel je tenais tant..... J'aurais trop à perdre en la plantant là. Elle le savait et j'avalerais certainement la pilule, aussi indigeste soit elle. Son ticket contrefait pour le voyage lui resterait en poche que ça me plaise ou non. Elle sous-estimait juste le dégout visceral qu'elle m'inspirait désormais et depuis.

Gibraltar 2011 : Tout ça semble déjà loin maintenant. En laissant Tanger puis Ceuta sur tribord, je ne peux m'empêcher de repenser à cette période, ainsi qu'au sinistre pugilat juridique qui a immédiatement fait suite pour avoir le simple droit de recevoir les enfants régulièrement à bord sans elle. Heureusement la justice mérite parfois son nom. Le voyage, enfin net, pouvait réellement commencer. En solo mais très peu en fait, avec mes fistons retrouvés régulièrement, des amis, ma famille ou de très charmantes rencontres imprévues, ce ne sont pas moins de 17 personnes différentes qui se sont succédées à bord pour partager ce voyage. Généreusement servi par les hasards et les circonstances, j'ai ainsi eu le rare privilège de vivre toutes les configurations d'équipage possibles et plusieurs voyages en un seul. Paradoxalement, il n'en est devenu que plus beau et plus intense.Aujourd'hui, dans ce détroit si symbolique, je me sens juste repu de ces deux dernières années inattendues, imprévues mais que je n'aurais difficilement pu imaginer plus riches.P1030096

Temps magnifique, enfin réellement chaud. Poussé par une petite brise, voiles en ciseau, Galapiat se faufile au milieu du trafic intense des navires de commerces, des pêcheurs, des ferrys entre Europe et Afrique. La vie aquatique reprend aussi. Plusieurs orques passent près du bateau et deux d'entre eux nous suivent même à quelques mètres pendant un moment, massifs, puissants et lugubres comme des sous marins en surface.

La tentation d'un arrêt à Tanger ou Tarifa est grande mais la météo prévoit encore deux journées de portant dans la mer d'Alboran. Après, ça tournera est, dans le nez. Il n'y a pas à hésiter car dans cette mer facécieuse, on ne laisse pas passer des conditions favorables. Rocher de Gibraltar dans le sillage, le soleil se couche et un gros thermique fait bondir l'anémomètre d'une dizaine de noeuds à 30 en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire. Pas de doute, on est en méditerranée. La mer reste plate et le speedo s'affole. Nuit tombée, éclairé par une demi-lune, température douce, je savoure mon quart pendant que Galapiat fonce à 9-10 noeuds sans effort. Jouissif. Ok, la fin du voyage n'est plus qu'une question de jours, Ok, j'ai décidé sans regret de rentrer. J'ai eu mon compte et il est temps de tourner la page, promis, juré, craché, mais à cet instant précis, je n'ai qu'une envie, que ces conditions durent des jours et me propulsent fissa jusqu'à Suez, puis la mer rouge, puis l'Indien, puis, puis....

Le 8 Août, le vent n'est pP1030127lus qu'un souvenir et nous virons Cabo de Gata au moteur. La renverse prévue survient quelques heures plus tard, soutenue, plus de 20 noeuds dans le nez. Un ris puis deux et yankee, nous serrons le vent au plus près, pas mécontents de de quitter la Mer d'Alboran à si bon compte où ça cartonne nettement plus rude. Bords sur bords laborieux, à se rapprocher de la côte espagnole puis s'en éloigner. Seulement 70 milles de route utile le 9 Août, 12 heures pour passer ce satané Cap de Palos. On a plus que le temps « d'admirer » Cartagène, puis Alicante. Comme toujours en méditérannée, faire de la route sans escale est un art à peu près aussi délicat que de passer entre des gouttes de pluie. Après le vent dans le nez sur le sud-est Espagne, la météo indique que le nord Baléares subit 35 noeuds, toujours dans le nez bien sûr. Je décide de faire escale à Ibiza en attendant que le coup de vent se tasse.

Nous mouillons à Cala Tarida, à l'ouest d'Ibiza le 10 au matin au terme d'un peu moins de 12 jours depuis notre départ des Açores. Vu que GG et moi avions choisi de faire des courP1030138ses alcool-free, histoire de changer, la première bière ainsi que les quelques suivantes sont grandement appréciées. Si j'adore les Baléares pour la multitude et la grande diversité de ses beaux mouillages dont de nombreux restent peu fréquentés même en haute saison, celui là n'est pas le plus séduisant: Un village balnéaire en béton, probablement vide pendant 10 mois de l'année, plein à craquer tout comme la plage en ce moment. Une fourmilière estivale est toujours un choc après plus d'une semaine de solitude. Mais pour une journée, c'est plutôt amusant, d'autant que la concentration importante de jolis petits lots dénudés au mètre carré n'est pas déplaisante à regarder.

De l'art de passer entre les gouttes toujours. Le coup de vent s'est tassé mais ça va à nouveau chauffer dans le golfe du Lion à partir du 15. Mieux vaut éviter de s'y trouver alors. Il ne reste qu'un peu plus de 300 milles jusqu'à Hyères. Nous quittons donc Ibiza moins de 24 heures après notre arrivée. L'essentiel du trajet se déroule au moteur sur un lac, dans une pétole consternante. Nous mouillons devant Hyères le 14 et laissons le bateau à l'ancre jusqu'au 17 matin où j'ai rendez-vous au Gapeau pour le lever et le mettre à sec. Terminus. Fin du voyage.

Galapiat au sec, ne me reste plus qu'à le vider de mes affaires, le nettoyer et le vendre. Fidèle canot qui m'aura porté pendant quelques 26 000 milles soit l'équivallent distance d'un tour du monde. Autonome, sécurisant dans toutes conditions, vélP1030172oce et capable de passer dans les coins les plus improbables une fois ses appendices relevés, il aura en plus eu le bon goût de m'épargner les avaries plus ou moins graves et immobilisantes qui émaillent nombre de conversations de marins. Galapiat fut une bonne pioche, le bateau idéal pour moi. Il m'a suffisement donné confiance pour aborder relax de longs passages hauturiers en partant du jour au lendemain, il m'a aussi incité à m'écarter sans crainte des autoroutes habituelles et rassurantes de la grande plaisance, notament en Afrique, au Brésil ou à Cuba.

Bien-sûr, j'appréhende le retour à la vie « normale ». Pour l'instant, je ne m'en rends pas bien compte, encore trop frais mais d'ici quelques semaines, ce sera sans doute plus délicat. Les copains rencontrés en route et rentrés avant moi me l'ont tous relaté: Le blues du retour est un passage obligé et inévitable et ce, quelles que soient les circonstances; que l'on revienne accompagné et retrouve maison, boulot, relations là où on les a laissés ou qu'au contraire, comme dans mon cas, rien ni personne ou presque ne vous attend. On dit qu'un grand voyage réussi tient à la qualité de sa préparation, à sa pleine réalisation et à l'anticipation des conditions de son retour. Je dois admettre que j'ai assez délibérément ignoré la dernière phase. Mais les pages blanches ont leur mérite: Il faut reconstruire en cohéreP1030166nce avec ce que l'on est devenu plutôt que de reprendre des habitudes qui ne vous correspondent plus nécessairement. On verra bien.....

La bougeotte me reprendra sans doute un jour car c'est une drogue licite mais dure : on s'en sort difficilement, on n'en guérit jamais vraiment et on y retombe très facilement mais dans l'immédiat, il me faut inventer et mettre en place ma vie de terrien. Partant de ground zero, j'ai de quoi m'occuper mais c'est une autre histoire qui n'a plus grand rapport avec ce blog. Voici donc le moment venu d'y mettre un point final.

 

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26 juillet 2011

Faux retour

P1040439Une semaine à Paris avant de récupérer les fistons puis un mois dans le sud avec eux, exclusivement sur la terre ferme, camps de base "Mammy Christine".

Le temps de se faire ficher dans quelques administrations, revoir quelques amis mais finalement assez peu, lancer quelques lignes pour la suite et laisser décanter en essayant de ne pas trop penser à vide, inutilement. 

Vacances classiques avec mes enfants sinon. Leur intensité energétique et leur curiosité croissent et embellissent: Taper dans un ballon, courir, nager, marcher avec l'âne Aioli quelques jours dans les Cevennes. Répondre à leurs interrogations aussi, de plus en plus nombreuses et fines, imaginer ensemble comment on vivra ensemble "après". 

Je ne me sens pas revenu complètement. Paradoxalement, ma vie de marin voyageur me parait déjà très loin.

Je suis particulièrement étonné par les questions et projections qu'on meP1040410 renvoit. J'ai bien quelques anecdotes à raconter mais quant à en tirer un quelconque enseignement, dire ce que j'ai préféré et autre généralités... je crains d'être un peu sec.

C'est étrange de constater le nombre de fantasmes que génère, chez ceux dont l'existence est plus linéaire, tout changement de vie radical, transitoire ou non...

Le cycle se termine, un autre y succédera même si ses contours restent encore flous, voilà tout.      

Ultime piqure de rappel quand même. Dans deux jours, je retourne aux Açores pour le dernier segment vers la France. Comme d'habitude, nous seront peu nombreux à bord pour ce baroud d'honneur: GG et moi. Un équipier de choix pour clôturer le cycle car c'est principalement lui qui m'a innoculé le virus de la bourlingue nautique voici 15 ans.

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18 juin 2011

Horta: dernier carrefour de la vadrouille

 

P1030056Horta est LE grand carrefour des voiliers du large en zone Atlantique. Il y aussi les Canaries mais Horta a plus de caractère. L'île de Faial est ainsi plus visitée par des voiliers au long court que par avion et surtout, c’est pour la plupart des bateaux qui rentrent en Europe, la fin du périple. Les bizuths sont devenus expérimentés, les rêves d’escales sont devenus souvenirs et sujet de conversation. Plus qu’ailleurs, la communauté des marins se reconnait, se retrouve et profite de ce dernier rendez-vous entre pairs.

Sans surprise, je retrouve de nombreux collègues croisés tantôt.  Et puis les rencontres sont inévitables, même pour les plus misanthropes des marins, ne serait-ce que parce que, dans le mythique bassin nord, l’affluence de la saison nécessite de se mettre à couple sur plusieurs rangées, deP1030057 voir passer les équipages voisins sur le pont de son bateau pour se rendre à quai. Quant à se dégager de ce bordel, à moins d’être le dernier, mieux vaut prévenir bien à l’avance et être créatif pour la manœuvre, toujours intéressante à regarder et à aider, moins quand vient son tour.

Entre bricoles plus ou moins lourdes qui occupent la plupart et les multiples rendez-vous donnés aux copains, le risque principal à Horta est de ne pas s’éloigner d’un périmètre compris entre le port et le Peter’s Cafe sport. Je n’échappe qu’à peine à la règle : Une ballade par beau temps pour la Cala do Inferno mais guère plus. Bernard est plus courageux en se rendant à Pico. Je me donne de bonnes excuses : La couture m’a pris une journée, j’ai déjà fait le tour de l’île en 2008 avec Jérôme et puis surtout, le temps est bouché et motive peu aux activités touristiques.

Après tout, le temps de prendre son temps est aussi le privilège et le luxe du grand voyage. J’en goûte les derniers instants en bonne compagnie, dans les restaus, les cafés enfin redevenus très abordables, sur un bateau ou un autre pour un apéro, une fête ou une ventrée de P1030061thon rouge acheté sur le quai à un pêcheur, me régale de cette diversité cosmopolite de toute nationalité, tous âges, toute situation, des jeunes bombasses norvégiennes qui allument à tout va, à « bout de bois », vénérable dinosaure marin qui navigue à la dure sur le côtre aurique construit de ses mains 20 ans plus tôt. Invraisemblable diversité humaine rassemblée pour quelques jours qui a en commun de faire un pied de nez plus ou moins durable à la « vie normale ».

Le 9 Juin, nous quittons Horta pour l’île de Terceira, à 80 milles de là. Bernard reprend son avion le 11 et quitte définitivement le bord pour retrouver sa famille et se réinstaller en Europe. Depuis Paraty, au Brésil, où il m’a rejoint l’été précédent, nous aurons passé plus de 6 mois cumulés ensemble. Nous  savions tous deux que l’expérience pourrait être délicate parfois mais, au final, nos caractères très différents et les nombreux moments de respiration que nous avons aménagés en cours de route ont permis de faire mentir l’adage qui veut que « la meilleure façon de perdre un ami est de naviguer durablement avec lui ». Excellente expérience pour tous deux donc sans aucune ombre notable.

Je reste encore quelques jours à Terceira, le temps de quelques bricoles, P1020741rangement et nettoyage du bateau avant mon vol pour Paris le 16. Je rentre en France pour un gros mois avec mes fistons. Retour aux Açores fin Juillet et puis ce sera le dernier run vers la France en Août.  Protégée, surveillée, à 10 mn de l’aéroport international  et surtout,  à moins de 7 euros  la nuit, ce qui en fait probablement une des moins chère de tout l’Atlantique, la Marina de Praia Da Vitoria est l’endroit idéal pour stationner le bateau. Le temps est toujours moche, à peine si je retourne lambiner une journée à Angra Do Heroismo, le chef lieu de Terceira classé au patrimoine de L’Unesco et puis à mon tour d’embarquer pour Paris, l’esprit au neutre.   

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03 juin 2011

Transat Bermudes - Açores

P1020916Notre timing était juste parfait. Arrivés aux Bermudes le 14 avril, Guillaume a pu prendre un avion le lendemain pour New York. A peine retardé par DSK, intercepté dans l'avion par la police américaine, il a pu honorer son rendez-vous du lundi à Paris. Bernard et moi nous retrouvons donc à deux, comme d'habitude le plus souvent depuis presque un an. Repos bien-sûr, comme toujours après quelques jours de mer, un peu de bricole, en l'occurence coutures et envoyer la GV chez ocean sails pour révision, administratif divers en souffrance et puis en profiter. Rien que de très classique.

Les très british Bermudes constituent une transition parfaite entre tropiques et Europe. Quand il y fait gris et frais, qu'on se couvre, on se croirait dans une anglo-normande, genre Jersey. Lorsque le vent se calme, que le ciel se découvre et que les fonds deviennent émeraude sous le soleil, l'union Jack paraît nettement moins à sa place. St Georges, notre mouillage et port d'entrée, est le coeur historique des P1020935Bermudes, les deux autres villes de l'île ont chacun leur caractère bien trempé. Dockyard est un ancien complexe militaire fortifié et austère du temps où les britanniques esseulés défendaient leur île contre espagnols, français et américains. Quant à Hamilton, la capitale, c'est une vraie ville active, centre des services financiers offshore qui font la richesse de l'île. Tout comme aux Bahamas, en version plus éveilles, les habitants sont charmants et liant, à vous saluer systématiquement.

La plupart des yachts qui mouillent à St Georges sont assez impressionants: maxis, Swan ou Oyster rutilants convoyés par des équipages pros vers les US ou vers l'Europe pour des propriétaires fortunés. Les vagabonds des mers sont ici très minoritaires et les 47 pieds de Galapiat paraissent minuscules en comparaison des voisins. Parfois quelques olibrius très british sur une coquille de noix constituent l'exception. Ceci dit, à part quelques snobs, l'ambiance du « white horse » le soir est détendue. On y fait facilement connaissance et sinon, il y a toujours la possibilité de P1020883s'encanailler au yacht club, nettement moins classe et presque exclusivement fréquenté par des locaux.

La météo est bizarre mais on ne tergiverse pas trop: La GV et prête le 19 au matin et une fois remise en place, courses faites, nous levons l'ancre par un agréable 10-12 noeuds au près, en compagnie de quelques autres voiliers avec lesquels on se tire la bourre jusqu'au soir. C'est donc reparti pour une quinzaine de mer et 1700 milles en route directe, significativement plus si on opte pour une route nord, normalement plus ventée et rapide.

Les trois premiers jours sont parfaits. Sur le cap, on se chauffe au près avec 140 milles le premier jour, on prend ses aises de travers le second avec 160 et on s'éclate au débridé à 190 le troisième. Je me prend à rêver d'une transat simple et rapide mais quand je prends la météo le matin du quatrième jour, il est clair que la belle vie tire à sa P1020944fin. Deux depressions, deux anticyclones, nous au milieu. Le ciel a d'ailleurs déjà bien changé. La ligne de grain progresse derrière nous, on va se la prendre et ensuite, ce sera merdique. Accélération, 30 noeuds, averses drues. Pas trop méchant, ça passe en quelques heures. On traîne toujours une ligne mais je ne crois plus guère à la pêche au nord du tropique du Cancer. Ça tape une fois mais c'est un gros marlin, pas content, que Bernard a vu sauter dans notre sillage, et qui a tout cassé. Hors catégorie celui-là. Au loin, de grosses bêtes sautent, baleines ou orques. Plus tard des ailerons noirs, effilés et hauts se profilent: des orques. Je ne tiens pas à les voir s'approcher car si seaworld, « sauver willy » et les peluches pour enfants, ont popularisé ces bestiaux, en réalité, ce sont de sales bêtes, violentes et aggressives, capables de couler un voilier si la couleur de l'antifouling ne leur revient pas. Ils se rapprochent mais passent dans notre sillage.

Nous rattrapons un voilier. On discute un peu à la VHF. Il est parti un jour avant nous et on lui a donc mis une journée P1020972dans la vue en quatre jours. C'est stupide mais ça me fait plaisir. Sans surprise, la pétole succède aux grains, et nous lançons le moteur pour la première fois depuis le départ pour une dizaine d'heure. Avant que le vent ne reprenne, sud-est. Nous revoici au près pour un bon moment, cette fois-ci dans la zone d'influence de l'Anticyclone des Açores. Ce fameux système mentionné presque chaque soir à la TV par madame météo est le poumon de l'atlantique nord. C'est lui, au nord, qui en fonction de sa position et de son développement, permettra de bloquer les dépressions afin qu'il fasse beau à Paris. C'est également lui, au sud, qui génère les alizés exploités pour la plus classique des transats entre Afrique et Antilles. Un monsieur important donc, à surveiller attentivement. Si la transat des alizés est assez basique en terme de navigation, tout droit vers les antilles en gros, le retour vers l'Europe est nettement plus intéressante. En fonction de l'emplacement de l'Anticyclone et des dépressions du nord, on peut en effet opter pour différentes options plus ou moins radicales. La tactique habituelle pour aller vite à la voile consiste à monter bien haut en latitude, plus haut que les îles au 38 ème, passer au nord du système et bénéficier des vents d'ouest, avec en bonus quelques coups de vents. C'est la route que nous avions suivi avec Jim et Jérôme en 2008 au retour du Panama. C'était frais, humide mais diablement efficace.

Cette année malheureusement, l'anticyclone n'est pas à sa place habituelle, si « habituelle » veut encore dire quelques choses vu que les grands flux saisonniers obsérvés depuis des siècles tendent de plus en plus à devenir errratiques ces dernières années. Il est nettement trop au nord. Pour espérer toucher du vent portant, il faudrait monter au delà du 45 eme puis redescendre ensuite. Un détour d'au moins 500 milles au rendement douteux. A part ça, au sud du système, le vent est dans le nez et tout droit, c'est une longue zone sans vent. Alors quoi?

Dans l'immédiat, on continue ainsi, au plus près du vent, nord-est, à faire de la route utile tout en gagnant au nord bien que nous ayons déjà déjà dépasP1020952sé la latitude des Açores. Avec une douzaine de noeuds au près sur une mer décidément bien calme depuis le départ, c'est une vraie croisière pour pépé. Le bateau file comfortablement ses 140 – 150 milles par jour. C'est tellement tranquille sur un océan peu fréquenté que celui qui est de quart la nuit passe plus de temps à bouquiner à l'intérieur qu'à veiller au bateau. Un 360° visuel à l'extérieur toutes les demi-heures au cas où, et puis retour au chaud. La journée, on bulle, lit beaucoup. Le frais est arrivé à son terme et notre inspiration culinaire commence à trouver ses limites. Mon innovation majeure de ces derniers temps: banane plantain-chorizo, initiée entre Cuba et les Bahamas, ne trouve même pas grâce aux yeux de Bernard. Sans pêche, la monotonie alimentaire nous guette. Le flux est régulier, le bateau marche tout seul et ne nécessite pas de bricole particulière. Bernard s'entraîne au flipper sur son PC et m'a lancé un défi. Les parties font rage En bref, on n'est pas vraiment débordés même si le près gité use quand même un peu à force.

P1020990Nous prenons la météo tous les deux jours mais la situation actuelle semble durablemnt installée. Le baromètre grimpe en flèche à mesure que nous nous rapprochons du centre des hautes pressions et le vent faiblit irrémédiablement. La nuit du neuvième jour, après avoir exploité le dernier souffle, pas d'autre choix que de relancer le moteur. Je suis un peu soucieux car il reste plus de 600 milles à faire d'ici Horta et vu la prix prohibitif du carburant aux Bermudes, mes estimations soit-disant savantes du départ, et la flemme d'aller à la pompe, j'ai fait l'impasse sur le plein de gas-oil. J'en ai encore 250 litres mais quand on a un tank de 600, c'est un peu la honte de se poser des questions d'autonomie pour arriver à destination au cas où le calme persisterait. Pendant les quatre jours suivants, nous alternons entre un peu de moteur et la voile dès que le vent faible, jamais plus de 10 noeuds, permet de les porter. Le score du flipper monte de jour en jour. Après avoir un temps été écrasé par les 7 millions de Bernard, je viens de friser les 9 à l'issue d'une partie magnifique et espère bien être désormais hors de portée d'ici les Açores, d'autant que avec le retour bienvenu de la brise au près, nos parties devraient s'espacer.P1020979

Cette partie de l'Atlantique est décidément peuplée de grosses bêtes. Pourtant, entre les températures frisquettes, la lecture et le flipper, nous ne sommes pas ultra attentifs. Le 28, deux Orques à 50 mètres du bateau; le lendemain, par calme plat, un cachalot saute par deux fois à quelques centaines de mètres. Nous le repèrons à son souffle et nous déroutons pour nous en rapprocher. Il est assez modeste, la taille du bateau quand même. Pas curieux, ni joueur – Les cachalots sont connus pour être nettement moins fréquentables que les baleines - après quelques minutes bord à bord, il disparaît. Nous le revoyons un peu plus loin, le rejoignons à nouveau avant qu'il ne sonde. Il fait un temps superbe. Pour la première fois depuis le départ, nous avons quitté pantalons et polaires pour shorts et tee-shirts, torse-nu même pendant les heures les plus chaudes. C'est devenu rare depuis les Bahamas. Je suis surpris par la couleur de ma peau et de celle de Bernard: On est presque redevenus des blancs becs.

P1020994Monter en latitude et progresser vers l'est dans l'hémisphère nord à l'approche du solstice d'été rallonge doublement les jours. A horaire constant, on ne s'en aperçoit pas trop le soir car l'augmentation des heures diurnes gagnées en latitude compense à peu près la perte au fur à mesure que l'on avance vers l'est. En heure « bateau », le soleil se couche toujours vers 20 heures mais se lève chaque matin nettement plus tôt que la veille. Nous rajoutons une heure à l'horloge du bord à mi-route puis, à 300 milles des îles environ, quand le soleil s'acharne à vouloir se lever vers 4 heures, deux heures de plus d'un coup pour nous aligner sur le fuseau des Açores. Après deux ans passés à proximité de l'équateur, où les journées durent 12 heures environ tout au long de l'année, je me réhabitue aux longues soirées d'été en zone tempérée. Les couchers de soleil sont également très différents, nettement plus prolongés que sous les tropiques où la nuit survient brutalement. Cette transat me donne un peu le sentiment de vivre le passage des saisons en rythme accéléré, sur une dizaine de jours plutôt qu'en plusieurs mois.

D'un point de vue strictement technique, les heures de soleil supplémentaires sont les bienvenues: une des batteries de service qui donnait des signes de fatigue depuis les Antilles est définitivement dans le sac. Avec une capacité réduite à 200 Amp, lorsque le ciel est gris, que les panneaux chargent peu et que le vent est trop fort pour faire tourner l'éolienne, le jus devient limite la nuit sous voile au bout de quelque jours. Je ne maintiens plus que le pilote, les feux de navs et le GPS. PC et éclairage du bord sont désormais prohibés.

D'après les prévisions, à l'approche des îles, l'anticyclone perd en vigueur Effectivement, le 31, le vent reprend, orienté sud avec tendance à passer progressivement sud-est au fur et à mesure de l'arrivée d'une dépression. Nous sommes quasiment au 42ème N, soit plus de 200 milles au nord de Horta et Il est plus que temps de filer au plus sud si on veut éviter de tirer des bords sur la fin. Retour au près serré donc à gratter quelques degrès de marge en espérant ne pas s'y être pris trop tard. Après 10 jours de mer dans des conditions clémentes pour troisième âge, il faut se réhabituer à un peu d'action. Brise d'une vingtaine de noeuds au près serré, on roule le génois et envoie trinquette et yankee pour gagner en cap et vitesse. La mer reste étonamment peu formée, même si ça mouille et secoue un peu dans un gros clapot, l'ensemble reste assez comfortable. CP1030030e segment à cette période est décidément bien différent de 2008. La moindre coquille de noix menée par un equipage de bizuths ne s'y trouvera jamais en difficulté.

Dans l'après-midi du 2 Juin, à pourtant encore 45 milles de Faial, on devine les îles aux nuages qui s'y accrochent, puis le sommet de Pico, à 2300 mètres d'altitude apparaît au loin. Galapiat trace dur mais un rapide calcul ne laisse guère espérer être amarrés avant 2 heure du matin, trop tard pour aller prendre une bière chez Peter. L'arrivée de nuit est superbe, lumières de l'île que l'on longe par son sud, la masse sombre de la lugubre Caldeira do Inferno à l'extremité sud-est, juste avant le canal entre Faila et Pico et le port de Horta. Oh, oh, plusieurs bateaux au mouillage laissent présager une marina plus que pleine. Effectivement, à l'approche du quai des douanes, les voiliers se succèdent les uns derrière les autres, à couple sur 3 à 4 rangées. On s'y rajoute sans trop se poser de question. C'est une bonne position car dernier arrivé, premier parti. Je suis un des premiers à faire les papiers d'entrée à l'ouverture des bureaux le matin et on me déniche une place dans le port plus qu'encombré, à nouveau à couple sur plusieurs rangées. Content de revenir à Horta à l'issue de ces 14 jours de mer, presque trois ans jour pour jour après mon premier passage.

 

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